Sous la Révolution, l’Histoire vécue contre l’Histoire fantasmée

Sous la Révolution

La « petite Histoire » au service de la grande

Par le jeu de caméras embarquées sur leur dos, les aigles nous donnent de leur vision un aperçu époustouflant. La connaissance qu’un aigle a du terrain qu’il survole semble approcher de la perfection, et dire qu’un historien a de la Révolution française la vision de l’aigle tendrait à dire qu’il embrasse tout.

La Révolution. Ses mouvements de foules, ses discours enflammés ; la marche du pain sur Versailles du  5 octobre 1789 ; le palais et ses somptueux couloirs dorés, la ruée des ménagères jusqu’à la chambre du roi ; la déchristianisation forcée, la chute de la monarchie ; les Massacres de Septembre, les charrettes de condamnés et les sanglantes saturnales au « rasoir national » ; les terrifiants procès de la Terreur, les noyades de Nantes, la chute de Robespierre…

De 1789 à 1794, l’aigle nous fait embrasser ce soubresaut sanglant qui renversa la France d’hier et accoucha de celle d’aujourd’hui.

Qui pourrait prétendre que l’aigle n’y voit pas beaucoup mieux que la fourmi qui, passant sous l’herbe, ne perçoit de la réalité que ce que son corps minuscule traverse ?

Des détails, des poussières d’événements, des petits riens du tout, mais qui pourtant sont la clé qui nous permet de comprendre ce que la vision de l’aigle ne saurait voir.

Comment s’appelait la femme qui s’évanouit devant Louis XVI le 6 octobre au matin ? Quel était son métier ? Pourquoi était-elle là ?

Qui acheta, pour quelques poignées de monnaie sans valeur, église sur église, après le pillage de tous leurs trésors, et les revendit à la découpe pour leurs pierres, leurs ferronneries ? Imagine-t-on qu’on a les noms ? Concevons-nous que ces crimes contre le patrimoine religieux de notre pays ne furent pas le fait de quelque masse anonyme, mais de citoyens parfaitement identifiés dont on devrait pouvoir, en s’en donnant les moyens, retrouver la postérité ?

Notre aigle qui voit tout connaît-il l’identité de celui qui, après le saccage des saintes reliques – pieusement conservées depuis Saint-Louis et profanées en même temps que les restes de nos rois à Saint-Denis -, en cacha un pauvre débris sous son manteau et le sauva pour nous le faire parvenir ?

On sait, globalement et pour peu qu’on s’en donne la peine, ce que furent les Massacres de Septembre. Cette furie sanguinaire, organisée par le gouvernement appelé « Commune de Paris » (qui prétendit qu’elle fut l’œuvre spontanée du peuple), a laissé des chiffres, des statistiques et des déclarations. Mais notre aigle a-t-il les moyens de suivre jour après jour, puis heure par heure, l’ahurissante aventure d’un aimable rimeur, capitaine en son temps, que des hommes de la Commune vinrent un soir cueillir à son domicile pour l’enfermer à l’Abbaye ?

Avec lui on pousse les portes, on se tapit dans un angle, on entend des cris, on échange des impressions et des conseils. On se hisse sur la pointe des pieds pour voir ce qui se passe au-dehors. Les heures s’égrènent, ponctuées de huées haineuses et de supplications venues du dehors. L’appel. Le jugement, la condamnation ou l’acquittement.

Les Massacres de Septembre vus par l’aigle sont autant de données sujettes à interprétation. Ceux de la fourmi ont l’odeur, la saveur et le son de la Vérité. Celle de la vie de nos aïeux, de notre passé.

La vision de la fourmi c’est celle de l’Histoire, abusivement appelée « petite Histoire » parce qu’elle est celle des « petites gens », nos pères.

La Révolution française racontée par G.Lenotre ferme la bouche aux idéologies et aux justifications oiseuses : G. Lenotre raconte, au ras du sol, ce que fut l’arrestation de vieux prêtres coupables d’être prêtres, la minutieuse préparation de leur noyade, l’aspect de la rue où on les poussa jusqu’au fleuve, le nom et le prénom de leurs bourreaux, le son des coups qui ouvrirent les sabords par lesquels la Loire s’engouffra sur quelques vieillards parmi lesquels un, plus jeune, survivra. Et racontera.

C’est renversant. La lecture de G. Lenôtre est un authentique voyage dans le temps, la résurrection, par la magie du verbe, de la vie de nos Anciens dont tant et tant de menteurs tentent de nous cacher la réalité terrifiante.

La vision de l’aigle est indispensable pour embrasser, d’un coup d’œil, l’étendue historique des événements. Elle devrait suivre, et seulement suivre, la plongée dans la minutie des faits quotidiens vécus par les pères de nos pères.

Car c’est ainsi qu’on fait de l’Histoire.

Préface du livre “Sous la Révolution

Publié par Degorce Editions

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2 Comments

  • oliviier BESOMBES 13 juillet 2020 Reply

    Bonjour Marion,

    Une question : pensez-vous que Louis XVI était plus plus proche de son peuple qu’un président de la République (je pense au 2 derniers) ?
    J’attends par proche, être à l’écoute, gérer en évitant oppression fiscale ou spoliation par le fisc, rendre La justice vraie, une police qui protège, etc…
    Merci pour tout,
    Olivier

    • Marion_Sigaut 22 septembre 2020 Reply

      Les rois avaient divers moyens d’entendre ce que disait le peuple et ces moyens étaient couramment employés.
      Les métiers, par le biais des corporations, étaient reçus régulièrement par le monarque qui entendsait leurs doléances et leur accordait, le cas échéant, ce qu’ils demandaient et qu’on appelait communément un « privilège », à savoir une loi privée, une décision les concernant eux et pas le voisin. Ce que la Révolution a détruit.
      Les campagnes aussi remontaient jusqu’au roi par le biais des intendants qui envoyaient dans les communes des subdélégués qui enquêtaient à longueur d’année pour faire remontrer les problèmes et les doléances.
      Ça n’a pas empêché les rois de faire rentrer les impôts de gré ou de force, mais l’administration royale se donnait les moyens de savoir ce qui n’allait pas et tentait d’y remédier.
      Sauf que, à partir des Lumières, les intendants sont de plus en plus devenus des agents de l’esprit nouveau qui tentaient d ‘influencer le roi dans le sens de la libéralisation, au lieu du contraire. C’est la dramatique évolution de la royauté étranglée par la dette qui a fini par écouter les sirènes capitalistes qui disaient qu’en laissant faire les marchands tout irait mieux. Ce fut pour le pire.

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